Évangile selon Luc 15, 11-38


Parabole du fils perdu et retrouvé

(2009, Alexandra DOMNEC)
Culte du dimanche 10 mars 2013
Eglise Protestante Unie de Montparnasse-Plaisance (75)
Maison de Retraite Protestante de La Muette (75)

Lire le texte biblique : Luc 15, 11-32

Prédication :

La parabole du « fils perdu et retrouvé » est très connue, surtout sous son autre appellation « le fils prodigue », bien que le mot « prodigue » ne soit pas présent dans le texte biblique en grec. Cette parabole n'est présente que dans l'Évangile selon Luc. Elle est la troisième et dernière d'une trilogie de paraboles : « le mouton perdu et retrouvé », « la drachme perdue et retrouvée », « le fils perdu et retrouvé ».

Les pharisiens et les scribes spécialistes de la loi, réputés « fidèles devant Dieu », désapprouvent l'accueil que fait Jésus aux collecteurs de taxes et aux pécheurs, réputés « infidèles devant Dieu ». Jésus leur raconte donc ces trois paraboles, en s'adressant principalement aux premiers, les réputés fidèles, sachant que les seconds, les réputés pécheurs et infidèles, sont aussi concernés.

A la lecture de ce récit très connu, nous avons naturellement tendance à y voir d'abord une simple histoire familiale d'un père et de ses deux fils, de laquelle la mère est curieusement absente. Sous son apparence très familiale, cette histoire nous présentent un père qui est l'image de Dieu, un jeune fils cadet qui représente les « pécheurs devant Dieu », un fils ainé qui représente les pharisiens et les scribes, « fidèles devant Dieu ». Et cette parabole reste tout à fait d'actualité, elle s'adresse même à chacun de nous. Car à certains moments, nous pouvons nous retrouver dans la peau du jeune fils cadet ou du fils ainé.

La parabole commence simplement en indiquant qu'« un homme avait deux fils ». Par cette première phrase apparemment anodine, Jésus affirme que tout homme est fils de Dieu ou enfant de Dieu, qu'il soit fidèle ou pécheur devant Dieu, quelle que soit sa position sociale ou religieuse, quel que soit le travail qu'il exerce. Ainsi, il n'appartient à personne, sinon à Dieu lui-même, de décider qui est enfant de Dieu et qui ne l'est pas.

Le jeune fils cadet demande à son père sa part des biens, littéralement « sa part des moyens de vie », qui devraient lui revenir à la mort de ce dernier. Bizarrement, le père n'essaie pas de retenir son fils auprès de lui, ni de le convaincre de rester vivre avec lui dans la maison familiale. Il obtempère sans protester, il lui partage ses biens et lui donne sa part. A travers l'attitude du père, Jésus veut montrer que tout homme, bien qu'il soit fils de Dieu, est libre devant Dieu. Oui, Dieu laisse à chacun de nous son entière liberté, il la respecte même complètement. A nous de faire bon usage de cette liberté !

C'est justement le contraire que va faire le fils cadet. Ayant rassemblé sa part des biens, le fils cadet voyage pour un pays lointain, il profite de sa nouvelle vie et de sa liberté. Il vit de manière irraisonnable et immodérée, à l'opposé de ce qu'il a vécu dans sa famille. Il dilapide sa part des biens reçus de son père, il dépense tout. Il est libre mais complètement irresponsable. Or, la vrai liberté de l'homme ne peut se concevoir qu'avec une prise de responsabilité. L'une ne peut exister sans l'autre. Pour faire bon usage de cette liberté que Dieu nous offre, nous devons faire preuve de responsabilité.

Certes, le fils cadet mène une vie libre mais surtout libertaire, irresponsable et imprégnée du péché. Dans la parabole, le péché est bien plus qu'une faute, une erreur, un mal ou un excès, le péché est surtout la distance qui sépare l'homme de Dieu, pouvant allé jusqu'à la rupture de relation avec lui. En quittant son père, le fils cadet s'est éloigné de lui, il lui a tourné le dos, il a rompu la relation avec lui. Notre péché, c'est la distance qui nous sépare de Dieu, distance qu'il nous est difficile de réduire par nous-même, même par nos actions et nos œuvres aussi bonnes soient elles.

Hélas pour le fils cadet, les choses tournent très mal, c'est la chute totale. Il passe de la richesse à la pauvreté, de l'abondance au manque, de la bombance à la famine, du statut de propriétaire à celui de serviteur, de la condition d'un homme à celle d'un animal, pire à celle des cochons qu'il est chargé de faire paître, car la faim le pousse à vouloir manger leur nourriture faite de caroubes. Ainsi, le récit insiste sur le fait que la distance qui sépare le fils cadet de son père semble infinie et irréductible. Il s'est en effet enfoncé très profondément dans le péché, à un niveau si bas, en dessous de l'homme, de l'animal, du cochon. Il semble ne plus y avoir de retour possible vers son père.

Cette situation dramatique et désespérée va amener le fils cadet à s'interroger sur lui-même, sur son comportement. Littéralement dans le texte « il rentre en lui-même », il se retourne sur lui-même, il se remet en question, il change de mentalité et de comportement : il réalise ainsi une conversion.

1ère étape.
Cette conversion va permettre au fils cadet de retrouver sa volonté, de décider d'arrêter cette vie cauchemardesque, de trouver le courage de se tourner vers son père, d'envisager de rétablir la relation avec ce dernier. Ce retour vers Dieu le père, c'est la repentance.

2ème étape.
Finalement, par instinct de survie et non par remords, il décide de revenir, non dans sa famille, mais dans la propriété familiale pour y être embauché comme simple serviteur. Ainsi, il pourra manger le pain des hommes au lieu des caroubes des cochons. Il compte se présenter à son père et lui déclarer qu'« il a péché contre le ciel et devant lui ». Il prépare sa confession du péché.

3ème étape.
Sur le chemin du retour, le fils cadet est pris au dépourvu par son père qui court au devant de lui car il guettait son improbable retour. Oui, dans son amour et sa miséricorde, Dieu guette inlassablement notre retour vers lui, il nous précèdes toujours dans nos élans. Dieu est toujours premier. Le fils cadet ne peut même pas terminer de confesser « son péché contre le ciel et devant son père », que ce dernier l'accueille à bras ouverts et le réhabilite immédiatement en lui redonnant son vêtement, son statut social, sa dignité, et en le réintégrant dans la maison familiale. Cet accueil que réserve le père à son fils perdu et retrouvé, illustre la grande compassion, le pardon inconditionnel et la grâce toujours première que Dieu nous accorde dans sa miséricorde.

4ème étape.
Le père se réjouit d'avoir retrouvé son fils perdu. Mieux, celui-ci lui est revenu en bonne santé, malgré les épreuves traversées. La joie du père est tellement grande qu'il décide d'organiser sur le champ une fête et un grand repas en sacrifiant le veau gras, plat réservé aux grandes occasions. Dieu éprouve une grande joie lorsqu'il retrouve celui qui était perdu, car un homme retrouvé par Dieu est un homme réconcilié avec lui. Les retrouvailles avec Dieu sont la réconciliation.

5ème étape.
Curieusement, il faut noter que le père ne fait pas appeler le fils ainé, comme tout parent l'aurait fait spontanément. C'est le fils ainé qui va découvrir tout seul ce qui s'est passé en questionnant un serviteur de la maison. Et ce n'est qu'ensuite que le père vient vers lui et le prie d'entrer dans la maison familiale. Le fils aîné est furieux, car lui qui était à la première place aux côtés du père, se retrouve à la dernière place, derrière son frère perdu mais retrouvé.

En conclusion...
Le fils aîné représente le pratiquant modèle, celui qui est proche de Dieu, qui connaît la loi, qui respecte les commandements, mais qui est aussi confortablement installé dans son héritage familial et sa tradition religieuse. Il a sa place réservée dans la maison de Dieu.
Le fils cadet représente celui qui a choisi un autre chemin de vie, dont la voie n'était pas tracée d'avance, il est passé par toutes les étapes successives : la conversion, la repentance, la confession du péché, le pardon de Dieu, la réconciliation avec Dieu. Et Dieu éprouve une grande joie lorsqu'il retrouve celui qui était perdu. Il a donc aussi droit à une place dans la maison de Dieu.
Le premier s'inscrit dans la tradition, le second dans la conversion, l'un est un fidèle, l'autre un pécheur converti.
A travers cette parabole, Jésus nous rappelle que les deux sont des enfants de Dieu et qu'ils sont libres devant Dieu. Et Jésus nous affirme aussi que le fidèle et le converti sont différents mais complémentaires, et qu'ils font partie de la même communauté, de la même assemblée, de la même église.
Le fils aîné entrera-t-il dans la maison du père ? Participera-t-il à la fête ? Mangera-t-il du veau gras ? Va-t-il se réconcilier avec son père ? Avec son frère ? Nul ne le sait, car l'histoire s'arrête là...
Mais, pour nous chrétiens, l'histoire ne s'arrête pas là, car Jésus nous donne la certitude que Dieu invite à son banquet tous ses enfants, les fidèles comme les convertis. Il nous donne la certitude que tous les chrétiens ont une place réservée dans la maison de Dieu, quel que soit leur histoire et leur cheminement, quelle que soit leur confession. Car tous font partie de la même Église, celle du Christ.

Amen.
Christophe