La multiplication des pains (1679, entourage de Francesco ALLEGRINI) |
Culte du dimanche 31 juillet 2011
Temple Réformé de Paris-Plaisance (75)
Maison de Retraite Protestante de La Muette (75)
Lire le texte biblique : Matthieu 14, 13-21
Prédication :
Chose exceptionnelle et unique dans la Bible, l'épisode dit de la « multiplication des pains » est raconté six fois dans les quatre évangiles, dont deux fois dans Matthieu et Marc. Ce miracle accompli par Jésus a sûrement dû avoir un retentissement très important auprès des personnes vivant à l'époque de son ministère. En tout cas, il a marqué les esprits de beaucoup de croyants, à travers les générations successives.
Et de nos jours, ce récit est encore bien connu. Les gens se le représentent souvent comme un repas extraordinaire donné par Jésus à ceux qui le suivent : un banquet géant pour ceux qui n'ont rien à manger, un rassasiement pour ceux qui ont faim, une abondance pour ceux qui sont dans le besoin, une profusion pour ceux qui n'ont rien... Voilà un don prodigieux, dont les quantités dépassent nos capacités d'ingestion. Voilà une générosité divine, qui n'a de limite que celle de ses bénéficiaires.
Entre parenthèses, il peut arriver d'entendre dans nos paroisses des personnes comparer nos déjeuners paroissiaux à ce miracle, car chacun apporte toujours bien plus que nécessaire et à la fin il en reste toujours trop.
L'interprétation de ce miracle en surabondance prodigieuse est renforcée par le titre donné dans nos traductions bibliques. Pour rappel, les titres présents dans nos Bibles ne font pas partie du texte biblique. Et d'ailleurs le mot « multiplication » n'est présent, ni de près ni de loin, dans le texte original du passage que nous venons de lire. Alors, oublions le titre pour mieux revenir au texte lui-même.
Bien que Jésus se soit retiré à l'écart dans un lieu inhabité, une grande foule l'a suivi. Jésus est profondément ému de compassion pour cette foule, littéralement dans le texte, il est remué jusque dans ses entrailles, ses intestins. Ainsi, Jésus perçoit la quête et la souffrance de cette foule qui persiste à le suivre, comme un troupeau suivant son berger. Cette foule s'est accumulée dans ce lieu désert, loin de tout village. Elle reste sur place malgré la nuit tombante. Elle ne se soucie pas de son manque de nourriture. Elle reste debout et ne se plaint ni de son inconfort ni de sa faim.
En fait, ce sont les disciples qui se préoccupent du sort de cette foule, mais ils se montrent complètement dépassés face à un aussi grand nombre de personnes. C'est pour cela qu'ils interpellent Jésus. Mais celui-ci leur répond simplement « Donnez-leur vous-mêmes à manger! ». Voilà une réponse plutôt déroutante et très directive. En répondant ainsi, Jésus les met de nouveau à l'épreuve, il trouve une nouvelle occasion de leur dispenser son enseignement. Pour cela, il va donner un véritable signe, adressé à ses disciples et à la foule, mais aussi à nous, lecteurs de la Bible.
L'évangéliste Matthieu nous raconte un détail curieux : Jésus commande à la foule de s'asseoir. C'est sûr, les personnes enfin assises vont pouvoir se reposer. Mais est-ce la seule intention de Jésus ? En agissant ainsi, Jésus change surtout la raison d'être de cette multitude de personnes. Une foule est plutôt un ensemble mouvant et incontrôlable. Mais une fois assise, la foule vient à former une assemblée. Contrairement à la foule, l'assemblée est disposée à écouter, à recevoir, à partager.
Ce commandement de Jésus s'adresse aussi à nous. Dans notre vie quotidienne, il y a un temps où il faut s'arrêter de marcher, de courir, de bouger, de s'agiter. Jésus nous invite à nous asseoir, nous poser, à déposer nos soucis, afin d'être disposé à écouter sa parole, à recevoir et partager ce qu'il veut nous donner. Oui, Jésus nous appelle à quitter la foule pour rejoindre son assemblée.
Une fois cette assemblée formée dans ce lieu désert, Jésus procède devant elle à un geste inattendu: il prend les cinq pains et les deux poissons, lève les yeux vers le ciel, prononce la bénédiction, rompt les pains et les donnent aux disciples, qui les distribuent à l'assemblée.
Prendre le pain, prononcer la bénédiction, le rompre, le donner : c'est exactement le même geste que Jésus fera lors de son dernier repas avec ses disciples, au soir de son arrestation. Ce geste est bien celui de la première partie de la communion donnée par Jésus lors de la Cène.
Dans le présent récit, c'est par ce geste de Jésus que va se produire le miracle, et plus précisément dans le pain béni, puis rompu, fractionné, divisé. Jésus ne multiplie pas lui-même les pains, il les bénit et les divise ! C'est grâce à cette bénédiction et division des pains, que s'accomplit leur multiplication et leur partage.
Ce sont les disciples, et non Jésus, qui distribuent à l'assemblée ce pain béni et rompu. Et tandis qu'ils en distribuent aux gens, il en reste toujours suffisamment pour les suivants. Le pain béni et rompu ne s'épuise pas, de sorte qu'il y en a pour tout le monde. Chacun a mangé ce pain béni et rompu par Jésus. Chacun en a été nourri, a eu sa faim satisfaite, a reçu selon son besoin. Tel est le miracle que Jésus a accompli, tel est le signe qu'il donne de la présence de Dieu : non seulement Jésus a nourri cette assemblée, mais surtout il a rassasié chacun d'entre eux, individuellement, selon son besoin.
Et ce pain béni et rompu, Jésus nous le donne aussi, car nous faisons partie de son assemblée, de son Église. Jésus le donne à chacun d'entre-nous, individuellement, selon son besoin. A travers ce don du pain béni et rompu, Jésus se donne lui-même à nous. Il nous donne sa personne toute entière. Il se rend présent et proche. Car ce pain est porteur de sa parole divine. Jésus nourrit notre vie, notre foi, notre espérance et notre joie. Il donne un sens à notre existence, il est le pain de vie. Et pour arriver à nous rassasier, il procède de manière personnalisée, car nous n'avons pas tous les mêmes besoins, nous ne cherchons pas tous la même chose de la même façon.
Et lorsque Jésus nous donne ce pain béni et rompu, il fait en sorte qu'il en reste encore pour les autres. Comme avec les disciples, plus ce pain béni et rompu est distribué, plus il en reste. Et ce surplus que nous recevons, Jésus nous charge, à notre tour, de le porter et de le distribuer à ceux qui en ont besoin. Tel est le service fraternel qu'il nous demande d'accomplir. Tel est le partage auquel il nous appelle. Telle est la multiplication qu'il nous demande d'opérer.
Amen.
Temple Réformé de Paris-Plaisance (75)
Maison de Retraite Protestante de La Muette (75)
Lire le texte biblique : Matthieu 14, 13-21
Prédication :
Chose exceptionnelle et unique dans la Bible, l'épisode dit de la « multiplication des pains » est raconté six fois dans les quatre évangiles, dont deux fois dans Matthieu et Marc. Ce miracle accompli par Jésus a sûrement dû avoir un retentissement très important auprès des personnes vivant à l'époque de son ministère. En tout cas, il a marqué les esprits de beaucoup de croyants, à travers les générations successives.
Et de nos jours, ce récit est encore bien connu. Les gens se le représentent souvent comme un repas extraordinaire donné par Jésus à ceux qui le suivent : un banquet géant pour ceux qui n'ont rien à manger, un rassasiement pour ceux qui ont faim, une abondance pour ceux qui sont dans le besoin, une profusion pour ceux qui n'ont rien... Voilà un don prodigieux, dont les quantités dépassent nos capacités d'ingestion. Voilà une générosité divine, qui n'a de limite que celle de ses bénéficiaires.
Entre parenthèses, il peut arriver d'entendre dans nos paroisses des personnes comparer nos déjeuners paroissiaux à ce miracle, car chacun apporte toujours bien plus que nécessaire et à la fin il en reste toujours trop.
L'interprétation de ce miracle en surabondance prodigieuse est renforcée par le titre donné dans nos traductions bibliques. Pour rappel, les titres présents dans nos Bibles ne font pas partie du texte biblique. Et d'ailleurs le mot « multiplication » n'est présent, ni de près ni de loin, dans le texte original du passage que nous venons de lire. Alors, oublions le titre pour mieux revenir au texte lui-même.
Bien que Jésus se soit retiré à l'écart dans un lieu inhabité, une grande foule l'a suivi. Jésus est profondément ému de compassion pour cette foule, littéralement dans le texte, il est remué jusque dans ses entrailles, ses intestins. Ainsi, Jésus perçoit la quête et la souffrance de cette foule qui persiste à le suivre, comme un troupeau suivant son berger. Cette foule s'est accumulée dans ce lieu désert, loin de tout village. Elle reste sur place malgré la nuit tombante. Elle ne se soucie pas de son manque de nourriture. Elle reste debout et ne se plaint ni de son inconfort ni de sa faim.
En fait, ce sont les disciples qui se préoccupent du sort de cette foule, mais ils se montrent complètement dépassés face à un aussi grand nombre de personnes. C'est pour cela qu'ils interpellent Jésus. Mais celui-ci leur répond simplement « Donnez-leur vous-mêmes à manger! ». Voilà une réponse plutôt déroutante et très directive. En répondant ainsi, Jésus les met de nouveau à l'épreuve, il trouve une nouvelle occasion de leur dispenser son enseignement. Pour cela, il va donner un véritable signe, adressé à ses disciples et à la foule, mais aussi à nous, lecteurs de la Bible.
L'évangéliste Matthieu nous raconte un détail curieux : Jésus commande à la foule de s'asseoir. C'est sûr, les personnes enfin assises vont pouvoir se reposer. Mais est-ce la seule intention de Jésus ? En agissant ainsi, Jésus change surtout la raison d'être de cette multitude de personnes. Une foule est plutôt un ensemble mouvant et incontrôlable. Mais une fois assise, la foule vient à former une assemblée. Contrairement à la foule, l'assemblée est disposée à écouter, à recevoir, à partager.
Ce commandement de Jésus s'adresse aussi à nous. Dans notre vie quotidienne, il y a un temps où il faut s'arrêter de marcher, de courir, de bouger, de s'agiter. Jésus nous invite à nous asseoir, nous poser, à déposer nos soucis, afin d'être disposé à écouter sa parole, à recevoir et partager ce qu'il veut nous donner. Oui, Jésus nous appelle à quitter la foule pour rejoindre son assemblée.
Une fois cette assemblée formée dans ce lieu désert, Jésus procède devant elle à un geste inattendu: il prend les cinq pains et les deux poissons, lève les yeux vers le ciel, prononce la bénédiction, rompt les pains et les donnent aux disciples, qui les distribuent à l'assemblée.
Prendre le pain, prononcer la bénédiction, le rompre, le donner : c'est exactement le même geste que Jésus fera lors de son dernier repas avec ses disciples, au soir de son arrestation. Ce geste est bien celui de la première partie de la communion donnée par Jésus lors de la Cène.
Dans le présent récit, c'est par ce geste de Jésus que va se produire le miracle, et plus précisément dans le pain béni, puis rompu, fractionné, divisé. Jésus ne multiplie pas lui-même les pains, il les bénit et les divise ! C'est grâce à cette bénédiction et division des pains, que s'accomplit leur multiplication et leur partage.
Ce sont les disciples, et non Jésus, qui distribuent à l'assemblée ce pain béni et rompu. Et tandis qu'ils en distribuent aux gens, il en reste toujours suffisamment pour les suivants. Le pain béni et rompu ne s'épuise pas, de sorte qu'il y en a pour tout le monde. Chacun a mangé ce pain béni et rompu par Jésus. Chacun en a été nourri, a eu sa faim satisfaite, a reçu selon son besoin. Tel est le miracle que Jésus a accompli, tel est le signe qu'il donne de la présence de Dieu : non seulement Jésus a nourri cette assemblée, mais surtout il a rassasié chacun d'entre eux, individuellement, selon son besoin.
Et ce pain béni et rompu, Jésus nous le donne aussi, car nous faisons partie de son assemblée, de son Église. Jésus le donne à chacun d'entre-nous, individuellement, selon son besoin. A travers ce don du pain béni et rompu, Jésus se donne lui-même à nous. Il nous donne sa personne toute entière. Il se rend présent et proche. Car ce pain est porteur de sa parole divine. Jésus nourrit notre vie, notre foi, notre espérance et notre joie. Il donne un sens à notre existence, il est le pain de vie. Et pour arriver à nous rassasier, il procède de manière personnalisée, car nous n'avons pas tous les mêmes besoins, nous ne cherchons pas tous la même chose de la même façon.
Et lorsque Jésus nous donne ce pain béni et rompu, il fait en sorte qu'il en reste encore pour les autres. Comme avec les disciples, plus ce pain béni et rompu est distribué, plus il en reste. Et ce surplus que nous recevons, Jésus nous charge, à notre tour, de le porter et de le distribuer à ceux qui en ont besoin. Tel est le service fraternel qu'il nous demande d'accomplir. Tel est le partage auquel il nous appelle. Telle est la multiplication qu'il nous demande d'opérer.
Amen.
Christophe