Évangile selon Luc 24, 13-35

Le souper à Emmaüs
Le souper à Emmaüs

(1629, Rembrandt Harmenszoon van Rijn)
Culte du dimanche 8 mai 2011
Temple Réformé de Batignolles (75)

Lire le texte biblique : Luc 24, 13-35

Prédication :

Chose déroutante pour un lecteur découvrant la Bible, les Évangiles ne comportent pas de récit de la résurrection du Christ, mais plutôt des récits d'apparition du Christ ressuscité, à travers des témoignages de personnes auxquelles il s'est montré. Le passage que nous avons lu dans l'Évangile selon Luc en fait partie.

Il nous raconte l'histoire de deux disciples de Jésus, quittant Jérusalem pour se rendre au village d'Emmaüs. Ils sont dans la détresse, accablés par le malheur, désespérés par la condamnation injuste et la mise à mort brutale de Jésus. Leur désespoir est d'autant plus grand, que Jésus était leur maître, leur prophète « puissant en œuvres et en paroles devant Dieu », leur messie qu'ils attendaient pour les délivrer.

Et voici trois jours que Jésus est mort crucifié, voici trois jours que Dieu n'est apparemment pas intervenu en sa faveur. Cette attente a sûrement été une dure épreuve pour les disciples et tous ceux qui avaient suivi Jésus. Les deux disciples ont même entendu dire que le tombeau de Jésus serait vide, ce qui les perturbe encore plus, car ils n'en comprennent pas la signification. Attristés et désemparés par tous ces évènements, les deux disciples tournent donc le dos à la ville Sainte qui a tué leur maître, et rentrent chez eux dans leur village.

Mais sur leur chemin, les deux disciples sont rejoints par un inconnu. Celui-ci se met à les accompagner dans leur marche mais aussi dans leur détresse. Les deux disciples, qui ont fréquenté Jésus de son vivant, ne le reconnaissent pas, le texte nous précisant que « leurs yeux étaient empêchés de le reconnaître ». Comme si le Christ ressuscité n'avait pas la même apparence que le Jésus crucifié. Quoi qu'il en soit, les deux disciples ne voient en lui qu'un simple inconnu qui fait chemin avec eux. Curieusement, cet inconnu semble, lui, bien les connaître, car il n'hésite pas à les réprimander en les traitant d'« hommes sans intelligence, et dont le cœur est lent à croire ».

Puis l'inconnu entre dans une longue conversation avec eux, car il semble connaître très bien les Écritures.
- L'inconnu leur parle de Moïse, qui est le libérateur du peuple juif, et celui par qui la Loi de Dieu a été donnée aux hommes. Moïse est considéré comme le précurseur du Messie attendu.
- L'inconnu leur parle aussi des Prophètes, ceux qui ont transmis la Parole de Dieu. Les textes prophétiques parlent de la venue du Messie. Et le prophète Élie était arrivé avant le Messie, afin d'en préparer la venue.

En parlant ainsi aux deux disciples, l'inconnu leur montre que les Écritures font référence à leur défunt maître Jésus. Il les amène à changer de point de vue, à se placer sur un autre chemin de pensée. Il doivent donc ré-apprendre les Écritures, sous une nouvelle ligne de lecture et de compréhension, celle de la personne de Jésus, de sa vie, de sa mort et de sa résurrection. L'inconnu leur explique que la crucifixion de Jésus ne peut être considérée comme un échec de son ministère, mais comme un événement attendu et assumé, comme un accomplissement des Écritures.

Hélas, les deux disciples ne comprennent pas tout ce que leur raconte cet inconnu, mais ils sentent bien qu'ils doivent le retenir encore un peu avec eux, car cet inconnu pourrait leur apprendre davantage de choses. Une fois « à table avec eux, Jésus prit le pain; et, après avoir rendu grâces, il le rompit, et le leur donna. Alors leurs yeux s’ouvrirent, et ils le reconnurent ».

Dans les récits d'apparition, c'est par un signe ou un acte symbolique, que le Christ ressuscité se révèle aux hommes. Ici, le signe est la communion dans le pain, béni, rompu et partagé. C'est à travers cette communion dans le pain, donnée par Jésus-Christ lui-même, que les disciples deviennent capables de discerner le Christ ressuscité. Alors leurs yeux sont ouverts, ouverts sur une nouvelle compréhension du ministère de Jésus, de sa vie, de sa mort et de sa résurrection.

Ils comprennent enfin tout ce que cet inconnu leur a expliqué pendant qu'ils cheminaient ensemble vers le village d'Emmaüs. Ce soir-là, pour les disciples, la communion au pain avec le Christ ressuscité, a été le signe qui a permis de donner sens à la Parole de Dieu reçue en Jésus-Christ.

Ainsi, ce récit d'apparition nous montre le lien de dépendance qu'il y a entre l'explication de la Parole de Dieu et la communion en Jésus-Christ. Plus qu'un lien, il nous montre l'étroite complémentarité entre prêcher la Parole de Dieu et célébrer la Cène, dernier repas de Jésus avec ses disciples.

A la lumière de ce témoignage des deux disciples d'Emmaüs, nous sommes amenés à nous rappeler les fondements de nos célébrations chrétiennes :
- D'un côté, la prédication, à travers la proclamation de la Bonne Nouvelle du Christ ressuscité et l'actualisation des textes bibliques, nous révèle la Parole de Dieu par les mots, par l'explication, par le discours.
- De l'autre côté, le sacrement de la Sainte Cène, nous révèle lui aussi la Parole de Dieu, mais par un autre moyen que des mots. La participation à la Sainte Cène nous permet de discerner et de comprendre, en Jésus-Christ, cette Parole de Dieu que nous avons entendu à la lecture de la Bible et à travers la prédication.

De toute évidence, prédication et Sainte Cène, parole et sacrement, sont indissociables et se complètent l'un l'autre. La parole prêchée apporte une vérité et une légitimité au sacrement. Tandis que le sacrement apporte une réalité et un discernement à la parole prêchée. Et ce témoignage des disciples d'Emmaüs nous appelle à vivre les deux à la fois.

En nous recentrant sur la parole et le sacrement, ce récit d'apparition nous remet sur le chemin du Christ ressuscité, nous qui ne sommes que des pèlerins d'Emmaüs, pas certains d'être sur la bonne voie.

Nous voici donc, Seigneur,
nous qui prenons souvent le chemin d'Emmaüs,
s'éloignant de toi,
te tournant le dos.

Nous sommes sans intelligence,
avec nos idées fausses,
nos incompréhensions,
notre manque de discernement.

Nos yeux sont incapables de te voir.
Tu connais aussi notre cœur,
qui est lent à croire,
et qui ne brûle pas toujours à l'écoute de ta Parole.

Nous t'en prions,
approches-toi de nous,
rejoins-nous sur notre chemin d'Emmaüs,
fais route avec nous,
sois notre compagnon de voyage,
pour nous aider à prendre la bonne direction,
la tienne.

Et sur le chemin,
ré-expliques-nous la Parole de Dieu,
à travers les Saintes Écritures qui te concernent,
en commençant par Moïse et par tous les prophètes.
Aides-nous à y discerner ta vie, ta mort et ta résurrection,
qui sont l'accomplissement des prophéties.

Et surtout,
reste avec nous,
entre et demeure dans notre maison.
Invites-nous à ta table,
invites-nous à prendre la Cène avec toi.
Donnes-nous le pain que tu as rompus et pour lequel tu as rendus grâce.
Par cette communion,
ouvres nos yeux,
permets-nous de discerner ta présence.

Ainsi, remplis de ta Parole et de ta présence,
nous pourrons quitter notre chemin d'Emmaüs,
nous ferons route avec toi, et toi avec nous,
sur le chemin de ta résurrection.

Amen.
Christophe