Évangile selon Luc 10, 38-42


Jésus dans la maison de Marthe et Marie (1654, Johannes Vermeer)
Jésus dans la maison de Marthe et Marie

(1654, Johannes Vermeer)
Culte du dimanche 18 juillet 2010
Temple Réformé d'Auteuil (75)

Lire le texte biblique : Luc 10, 38-42

Prédication :

La rencontre de Jésus avec Marthe et Marie est un récit propre à l'Évangile selon Luc. Curieusement, cette scène de vie quotidienne est placée au milieu d'une série de récits où Jésus dispense son enseignement.
Dans le passage précédent, Jésus enseigne sur « Qui est son prochain? » à un légiste, à travers la « parabole du bon samaritain ».
Dans le passage suivant, Jésus apprend à prier à ses disciples, en leur enseignant la prière du « Notre Père ».
De même, à travers cette rencontre avec Marthe et Marie, Jésus nous apporte aussi un enseignement, celui qu'il désigne comme la « bonne part ». A nous de discerner ce que celle-ci renferme.

Cette rencontre de Jésus avec Marthe et Marie est un épisode très connu de la Bible: pour les lecteurs, les deux sœurs sont devenus des personnages presque familiers. Malheureusement, nous avons tendance à les opposer systématiquement, à les placer trop rapidement dans deux catégories: Marthe fait le service, Marie écoute; Marthe parle, Marie est silencieuse; Marthe est active, Marie est contemplative; Marthe s'agite, Marie reste immobile; Marthe est soucieuse, Marie est sereine; Marthe se fâche, Marie est calme... Comme si l'une était tout le contraire de l'autre.

Il faut éviter de tomber dans cette interprétation schématique et trop simpliste, voire caricaturale. Alors je vous invite à refaire une lecture plus attentive de ce texte, car les choses ne sont pas aussi faciles et simples qu'il n'y paraît.

Tout d'abord, ce qui me frappe dans cette rencontre, c'est bien sûr son caractère familier, mais aussi son côté assez contemporain, car elle comporte une certaine modernité dans le contexte de l'époque. Il s'agit en effet d'une scène de vie quotidienne, d'une simple visite d'un homme à deux habitantes d'un village. Mais c'est aussi une rencontre à huis clos; ni témoin, ni foule, ni disciple; dans ce lieu, il n'y a que Jésus et les deux femmes.

Lorsque Jésus arrive, c'est Marthe qui l'accueille. Elle le reçoit comme son hôte, elle se met à son service. A présent, elle est très occupée à le servir. Littéralement dans le texte, elle est « tiraillée » entre les « nombreuses tâches du service ». L'agitation de Marthe nous fait dire qu'elle se trouve même submergée par son travail.
Finalement, Marthe est si agitée et si soucieuse de bien servir son hôte, qu'elle en néglige son hôte lui-même. Pour elle, se mettre au service de Jésus, c'est s'affairer, s'agiter, se soucier, s'occuper de pleins de choses, des choses bien humaines et matérielles de ce monde. En fait, elle ne semble pas avoir compris le sens de la visite de Jésus.

Marie, sa sœur, se comporte tout autrement. Elle s'assoit spontanément aux pieds de Jésus. Une telle attitude est inattendue et très surprenante, et à cette époque c'est même inconvenant de la part d'une femme. Mais dans le texte de l'Évangile, cette attitude a une signification très forte: s'assoir aux pieds de Jésus, c'est confesser sa foi en lui, c'est le reconnaître comme son maître spirituel, c'est lui demander de devenir un de ses disciples.
D'ailleurs, comme les disciples, Marie écoute les paroles de Jésus, c'est-à-dire son enseignement. Hélas, le texte ne nous dit pas sur quoi il porte: sûrement, Jésus lui parle de l'amour de Dieu pour les hommes, et de l'amour des hommes pour leurs prochains...

Contrairement à sa sœur, Marie semble avoir véritablement compris le sens de la visite de Jésus. Elle se rend compte qu'elle a beaucoup de choses à apprendre de lui, et que l'occasion de le rencontrer une nouvelle fois ne se reproduira peut-être pas. Pour Marie, cette visite de Jésus est un moment spirituel privilégié, auquel elle veut se consacrer entièrement, quitte à délaisser momentanément les « nombreuses tâches du service ». Car, pour Marie, se mettre au service de Jésus, ce n'est pas simplement lui offrir à manger ou le nourrir, mais c'est d'abord écouter sa parole, c'est-à-dire se laisser nourrir par Jésus.

Voici donc le véritable sens de la visite de Jésus faite à Marthe et Marie. Jésus n'est pas entré dans ce village pour être nourri, mais à l'inverse, pour nourrir de sa parole ceux qui l'accueillent. Il n'est pas venu pour être servi, mais pour servir avec sa parole les personnes qu'il rencontre. Au lieu de se laisser accueillir, il devient celui qui accueille par sa parole.
Ainsi, Jésus bouscule l'ordre établi, et ce sur plusieurs plans: social, familial, religieux. En rompant avec leurs habitudes, il fait irruption dans la vie quotidienne des gens. En renversant la priorité et donc la valeur de leurs actions, Jésus créé un dérangement, une sorte de trouble profond. De cette manière, il touche leur cœur et change leur existence.

En présence de Jésus, la seule chose véritablement nécessaire est d'être à l'écoute de sa parole mais aussi de se laisser nourrir par sa parole, par cette nourriture qui vient de Dieu lui-même.
A ce sujet, Jésus va beaucoup plus loin lorsque, dans l'Évangile selon Jean, il parle de lui-même: « C'est moi qui suis le pain de [la] vie. Celui qui vient à moi n'aura jamais faim et celui qui croit en moi n'aura jamais soif » (Jean 6, 35).
Ecouter sa parole et se nourrir de sa parole, voilà l'unique nécessaire dont parle Jésus, voilà ce qu'il désigne comme la « bonne part ». De plus, celle-ci est définitivement acquise à celui qui la reçoit, car Jésus fait la promesse qu'elle ne pourra pas lui être retirée.

Mais encore faut-il être prêt à recevoir cette « bonne part » que Jésus nous offre, encore faut-il être disposé à écouter cette parole de Dieu et surtout à s'en nourrir. En effet, par notre vie en proie à de nombreuses sollicitations, nous avons tendance, comme Marthe, à être submergés par notre travail, envahis par nos tâches quotidiennes, obsédés par le « faire », ou pire, par le « devoir faire ».
Oui, comme Marthe, nous pouvons être facilement absorbés par toutes ses choses à « faire », jusqu'à être préoccupés du fait qu'il ne faut oublier de les « faire », jusqu'à ne plus vraiment savoir pourquoi on les fait.
Oui, le danger est de perdre le sens de ce que l'on fait, d'être dans l'engrenage du « faire pour faire », et comme Marthe, de s'agiter au lieu d'agir, de protester au lieu d'écouter.
Et il faut reconnaître qu'il n'est pas rare que nous nous fassions du soucis pour des choses bien peu utiles, voire dérisoires, pour des détails peu importants, voire ridicules, finalement pour tout ce qui est très loin de constituer le véritable nécessaire pour notre vie.

Ce que dit Jésus à Marthe s'adresse aussi à nous. Et à plus forte raison! Son message est encore plus d'actualité à notre époque. Comme il le fait pour Marthe, Jésus nous exhorte à nous séparer de nos « faire » et de nos « devoir faire ». Il nous pousse à nous « défaire » de toutes ces choses non indispensables, celles qui nous encombrent, celles qui parasitent notre vie. Il nous incite à nous recentrer sur le strict nécessaire pour notre existence.
Et Jésus nous appelle aussi à faire comme Marie, c'est-à-dire à réserver dans notre vie une place pour écouter sa parole. Au sein de cette place qu'il nous faut réserver, il s'agit de recevoir la parole de Dieu, qui devient pour nous une parole de vie; il s'agit d'accueillir la Grâce, cet amour que Dieu nous accorde sans condition. Et il s'agit aussi d'y trouver tout ce que nous apporte cette Parole et cette Grâce: la sérénité, le bien être, la paix intérieure, la joie.

Finalement, en chacun de nous, il faut être un peu Marthe à certains moments, un peu Marie à d'autres moments, et parfois ni l'une ni l'autre. C'est vrai, il faut savoir faire la part des choses. Le principal reste de trouver un certain équilibre dans sa vie. En effet, il y a un temps pour tout.

Il y a un temps pour être Marthe et il y a un temps pour être Marie;
Un temps pour travailler et un temps pour s'arrêter;
Un temps pour être debout et un temps pour rester assis;
Un temps pour s'agiter et un temps pour se poser;
Un temps pour s'inquiéter et un temps pour s'apaiser;
Un temps pour parler et un temps pour écouter;
Un temps pour se disperser et un temps pour se recentrer sur l'essentiel;

Et au-dessus de tout cela, il y a un temps privilégié, un moment mis à part chaque dimanche, où nous pouvons prier et louer, recevoir et pardonner, écouter et méditer, et surtout être nourri de la parole de Dieu, être nourri par Jésus-Christ, notre pain de vie. Sachons véritablement profiter de ces temps de culte, car ils sont pour nous un moment précieux, réservé à cet unique nécessaire que Jésus nous offre, à cette « bonne part » qui ne pourra pas nous être retirée.

Amen.
Christophe

CANTIQUE "Ecoute, entends la voix de Dieu"

1. Ecoute, entends la voix de Dieu :
A celui qui a soif,
Il vient se révéler.
Ecoute, que tout en toi se taise.
Que tout en toi s'apaise,
Et que parle ton Dieu.

2. Ecoute, laisse là ton souci.
Que se taisent les mots,
Que s'éloignent les cris.
Ecoute, Dieu sème sans compter.
Sa Parole est le pain
Qui vient nous rassasier.

3. Ecoute, Dieu t'invite au désert,
Au silence du coeur,
A la source sans fin.
Ecoute, il se tient à la porte,
Il frappe, et bienheureux
Celui qui ouvrira.

4. Ecoute, Dieu passe près de toi
Dans la brise légère,
Dans le vent de l'Esprit.
Ecoute, tu es aimé de Dieu.
Tu es choisi de Dieu ;
Il veut pour toi la vie.
(ARC 239, ALL 22-07)

PAROLE D'ENVOI
Surtout, ne vous inquiétez pas et ne vous agitez pas pour trop de choses, car une seule est véritablement nécessaire. Choisissez donc cet unique nécessaire que vous offre Jésus-Christ, cette bonne part qui ne vous sera pas enlevée. Laissez vous nourrir par sa parole de vie et discernez ainsi qu'il est votre pain de vie: celui qui vient à lui n'aura jamais faim et celui qui croit en lui n'aura jamais soif.

Lire l'article de la revue Évangile et Liberté sur le tableau de Johannes Vermeer : Jésus dans la maison de Marthe et Marie, 1654.