Prédication sur l'Evangile selon Matthieu 25, 14-30


La parabole des talents (Rembrandt Harmensz van Rijn, 1650)
Le repas de noce

(Rembrandt Harmensz van Rijn, 1650)
Culte du dimanche 19 novembre 2017
A l'Eglise Protestante Unie de
Montparnasse-Plaisance (75)


Prédication :

Le récit que nous venons de lire dans l'Évangile selon Matthieu (Mt 25, 14-31), titré « la parabole des talents », peut être associé à un autre récit similaire dans l’Évangile selon Luc (Lc 19, 11-28), titré « la parabole des mines ». En effet, qu’il s’agisse de talents ou de mines, ces deux paraboles sont très similaires dans leurs récits.
LE TALENT
Dans le texte de ce jour, il s’agit du « talent », issu du mot grec « TALANTON », qui désigne « un poids », « ce qui est pesé ». Et au temps de Jésus, c’était une quantité de monnaie, l’équivalent d’environ 45 kg d’argent ou 90 kg d’or. Le talent était donc une somme considérable, bien plus importante que le salaire de toute une vie pour un serviteur ou esclave. Ainsi, une première lecture de cette parabole pourrait donner lieu à certaines interprétations faciles et simplistes, comme par exemple :
• Cette parabole serait une apologie du travail, où il faudrait toujours travailler pour réussir sa vie, afin de ne pas être considéré comme un « serviteur mauvais et paresseux ».
• Cette parabole serait une apologie du capitalisme, où il faudrait toujours investir ce que l’on possède, afin d’être considéré comme un « bon et fidèle serviteur ».
• Cette parabole serait une apologie de la finance, où à défaut de travailler ou d’investir, il faudrait toujours remettre son argent aux banquiers et en retirer des intérêts, afin de ne pas être considéré comme un « serviteur inutile ».
Hélas, ces interprétations déforment le fond de cette parabole et ternissent l’image du Royaume de Dieu. Non, cette parabole ne décrit pas une théologie de la réussite ou de la prospérité. Cette parabole montre une toute autre image du Royaume de Dieu, une image basée sur les relations entre un maître et ses serviteurs ou esclaves (c’est le même mot en grec).
L’APPEL DE DIEU
D’abord, la parabole commence par un appel. Le maître appela ses serviteurs. C’est l’image de Dieu qui appelle chacun d’entre nous, en particulier.
LE DON DE DIEU
Ensuite, le maître confie ses biens. Dans le texte grec, c’est le verbe « PARADIDOMI », composé du verbe « DIDOMI » signifiant « donner » et de la préposition « PARA » signifiant notamment la « part » ou le « don ». Le maître fait donc plus que donner ces biens, il les confient, les remet, les transmet à ses serviteurs qu’il a appelé. Et il le fait sans poser aucune condition à ses serviteurs. Ici est l’image de Dieu qui fait don à ceux qu’il a appelé, et cela sans condition. Ce don gratuit et inconditionnel de Dieu, c’est l’amour et le pardon qu’il nous accorde, c’est la grâce et la miséricorde. Cette grâce est un don d’une valeur inestimable, que l’on ne peut pas acquérir par soi-même sur toute une vie, à l’image de la valeur d’un talent de la parabole. Cette grâce est un don gratuit et inconditionnel de Dieu qui nous dépasse complètement. C’est pourquoi, lorsque Dieu nous confie ce don, il le fait de manière adaptée à chacun, selon sa capacité à le recevoir. À l’image du maître qui confie 5 au premier serviteur, 2 au deuxième serviteur, 1 au troisième serviteur.
LA RÉCEPTION DU DON
Les trois serviteurs de la parabole reçoivent le don que leur confie le maître. D’un côté, les premier et deuxième serviteurs l’acceptent en vérité, ils prennent l’initiative d’exploiter et valoriser le don confié et reçu. De l’autre côté, le troisième serviteur ne l’accepte pas en vérité, il ne prend aucune initiative, il s’en détache et le rejette en l’enfouissant dans la terre. En effet, autant Dieu nous confie gratuitement et inconditionnellement le don de sa grâce, autant nous ne sommes pas en capacité de le recevoir complètement et de l’accepter pleinement. La façon dont nous recevons et acceptons en vérité le don de cette grâce de Dieu, construit la relation que nous établissons avec Dieu. C’est la confiance que nous avons envers à Dieu. C’est notre croyance en Dieu. C’est la foi en Christ qui vit en nous.
LES ŒUVRES DE LA FOI
Dans la parabole, le premier et second serviteurs reçoivent et acceptent en vérité le don. Par leur confiance envers leur maître, ils vivent de ce don, ils en créent de la valeur, ils le multiplient. De même, si nous recevons et acceptons le don de la grâce que Dieu nous confie, nous faisons acte de confiance envers Dieu, nous vivons notre foi en Christ. Et cette foi nous anime, elle nous fait avancer, elle nous pousse à faire des choses, à produire des choses. Ce sont les œuvres de la foi.
LA FIDÉLITÉ À DIEU
Dans la parabole, après avoir vu leurs œuvres, le maître adresse la même félicitation aux premier et deuxième serviteurs, sans tenir compte du don qu’il leur avait confié et qu’ils ont valorisé : « C'est bien, bon et fidèle serviteur » (versets 21 et 23). Dans le texte grec, le premier adjectif est le mot « AGATHOS » signifiant à la fois bon, utile, et aussi droit, juste, généreux. Le second adjectif est le mot « PISTOS » signifiant à la fois sûr, loyal, fidèle et aussi croyant et confiant et digne de confiance. Cet adjectif a la même racine que le mot « PISTIS » signifiant la confiance, la foi. Ainsi, ces deux serviteurs sont bons et utiles, car ils ont vécu du don de leur maître et l’ont multiplié. Et ils sont fidèles, car ils ont placé leur confiance en leur maître, ils ont vécu de la foi. De même, si nous vivons notre foi en Jésus-Christ, quel que soit le don que nous confie Dieu et que nous recevons, et les œuvres de la foi que nous produisons, Dieu pose sur nous un regard bienveillant, il nous considère comme bon et fidèle, utile et digne de confiance.
LA JOIE DE DIEU
Dans la parabole, le maître adresse aussi la même invitation aux premier et deuxième serviteurs, sans tenir compte du don qu’il leur avait confié et qu’ils ont valorisé : « entre dans la joie de ton maître » (versets 21 et 23). En effet, si nous vivons notre foi en Jésus-Christ, Dieu nous invite à entrer dans sa joie, il nous accueille dans ses bras. Car Dieu donne à celui qui reçoit le don de sa grâce avec confiance et vit dans la foi en Christ, et Dieu l’accueille dans l'abondance de sa joie. Mais à celui qui n'accepte pas le don que Dieu lui confie, à celui qui ne place pas sa confiance en Dieu, à celui qui ne vit pas dans la foi en Christ, alors Dieu lui enlèvera même ce qu’il lui a confié.
Telle est l’image du Royaume de Dieu que nous renvoie cette « parabole des talents ». Il ne s’agit pas d’un royaume de la réussite ou de la prospérité. Il s’agit d’un royaume, dans lequel Dieu nous accorde gratuitement et inconditionnellement, son amour et son pardon, sa grâce et sa miséricorde. Dans ce royaume, nous sommes appelés à devenir les serviteurs de Dieu en Christ.
• Dans son amour et sa miséricorde, Dieu appelle chaque personne, en particulier.
• Dieu confie à chacun selon sa capacité, un don inestimable, la grâce.
• Chacun peut recevoir cette grâce, par sa confiance en Dieu.
• Chacun peut accepter cette grâce, par sa foi en Christ.
• Par cette grâce reçue et acceptée et par cette foi vécue en Christ, chaque croyant peut valoriser le don de Dieu et produire les œuvres de la foi.
• Dieu pose sur chaque croyant un regard bienveillant.
• Dieu considère chaque croyant comme un serviteur bon et fidèle, utile et digne de confiance.
• Dieu invite chaque croyant à entrer dans sa joie.
Tel est le Royaume de Dieu !
Amen.
Christophe