Prédication sur l'Évangile selon Jean 18, 28-38


Jésus devant Pilate (Nicolaj Nicolajevich Gay, 1890)
Jésus devant Pilate

(Nicolaj Nicolajevich Gay, 1890)
Culte du dimanche 22 novembre 2015
A l'Eglise Protestante Unie de
Montparnasse-Plaisance (75)


Prédication :

Ce passage que nous venons de lire dans l'Évangile de Jésus-Christ selon Jean, est par tradition simplement titré par les biblistes « Jésus devant Pilate ». Cet épisode du récit de la Passion du Christ est assez surprenant sur la forme, car son déroulement ne permet pas de déterminer spontanément, la nature de cette rencontre entre Jésus et le gouverneur romain Ponce Pilate : est-ce une comparution ? Un interrogatoire ? Une confrontation ? Une controverse ?
Contrairement à la forme dramatique que pourrait attendre le lecteur de l’Évangile, cette rencontre a la forme d’un simple dialogue, au cours duquel les deux protagonistes se parlent sans agressivité. D'ailleurs, je me permets de vous poser une question, dans quelle langue ont-ils pu bien dialoguer ? 

  • En Hébreu ? À l'époque, c'était une langue principalement utilisée pour les écrits sacrés, elle n'était pas parlée couramment.
  • En araméen ? C'était la langue courante des juifs et donc de Jésus, mais il peu probable que Pilate l'ait parlée.
  • En latin ? C'était la langue courante des romains et donc de Pilate, peut-être Jésus la parlait-il, mais c'est peu probable.
  • En grec ? C'était la langue courante et commune de cette époque, parlée dans les nations sous domination romaine, et qui permettait aux personnes d'origines différentes de se comprendre. C'est peut-être dans cette langue que Pilate et Jésus ont dialogué.

Étonnamment, dans ce dialogue, Pilate ne porte aucune accusation envers Jésus, il ne fait que poser des questions : « Es-tu le roi des Juifs ? »(verset 33), « qu'as-tu fait ? »(verset 35), « Tu es donc roi ? »(verset 37).

Chose plus surprenante encore, lorsque Pilate questionne Jésus, cela l'amène aussi à se questionner lui-même. Et pour nous, lecteurs de l’Évangile, ce dialogue suscite aussi un véritable questionnement sur notre foi en Jésus-Christ. Oui, un questionnement dont l’enjeu principal peut se résumer en deux mots, royauté et vérité.

Dès le début de la rencontre, il est question de royauté, car c’est la principale préoccupation de Pilate. En effet, Pilate est gouverneur et procurateur de Judée, il y est le représentant de l’état romain et de son empereur César. Il est responsable d’un royaume et doit en assurer la paix publique. Cela explique pourquoi il pose directement cette première question à Jésus : « Σὺ εἶ ὁ βασιλεὺς τῶν Ἰουδαίων; » littéralement « Toi es-tu le roi des Juifs ? »(verset 33). Pilate veut connaître les intentions de Jésus, plus précisément ses intentions politiques. Car il considère Jésus comme un rival potentiel, un fauteur de troubles de l’ordre public, qui revendiquerait le même royaume que le sien, le royaume de Judée et donc celui des juifs. 

Mais Jésus répond de manière énygmatique qu’il ne s’agit pas du même royaume : Jésus, lui, parle d’un royaume qui « n’est pas de ce monde »(verset 36), qui « n’est pas d'ici »(verset 36). Jésus parle du royaume de Dieu, que nous décrit le prophète Daniel dans son récit de sa vision nocturne(Daniel 7, 13-14).

A cette réponse de Jésus, Pilate change sa façon de le questionner, en lui demandant « Οὐκοῦν βασιλεὺς εἶ σύ; » littéralement « N'est-ce pas donc, que toi tu es roi ? »(verset 37). Dans cette question affirmative, peut-être Pilate reconnaît-il du bout des lèvres la royauté divine de Jésus. 

Et à ce moment précis du dialogue, jésus renverse la situation, en répondant de manière audacieuse à son geôlier romain : « Σὺ λέγεις, ὅτι βασιλεύς εἰµἰ ἐγώ » littéralement « Toi tu dis que moi je suis roi ». Jésus se garde bien de proclamer lui-même sa royauté. Car cette royauté ne lui vient pas des hommes, ce n’est pas une royauté impériale comme celle de Pilate. La royauté de Jésus est une royauté divine, qui lui est donnée par le SEIGNEUR, l’Éternel. Sa royauté divine, Jésus ne l'a pas proclamée, mais c'est Pilate qui l'a confessée

Oui, la royauté de divine de Jésus ne se proclame pas, mais elle se confesse uniquement. Elle est confessée par les personnes que Jésus croise sur son chemin, par les personnes qui changent de comportement à sa rencontre, par les personnes qui sont appelées par lui, par les personnes qui se convertissent en son nom. Ainsi cette question affirmative de Pilate se reçoit comme une confession pour chacun de nous, elle concerne notre foi, notre relation à Jésus-Christ. 

Cette royauté divine de Jésus ne relève pas d’un monde partagé et clôt par les hommes. Au contraire elle s’adresse au monde entier et interpelle chacun d’entre nous. C'est ainsi que Jésus révèle « […] je suis né et […] je suis venu dans le monde pour rendre témoignage à la vérité »(verset 37). Tel est le sens de sa propre existence en ce monde, témoigner de la vérité

À cette révélation de Jésus, Pilate répond, non par une question, mais par un questionnement : « Τί ἐστιν ἀλήθεια; » « Qu'est-ce que la vérité ? »(verset 38). C'est par ce questionnement sur la vérité, que prend fin cet étonnant dialogue entre lui et Jésus. Hélas, ce questionnement reste sans réponse dans le récit. Pilate quitte Jésus et déclare simplement qu'il ne lui trouve aucun motif de condamnation. Il est important de noter que, en concluant ainsi, Pilate accepte l'existence d'un autre roi que lui, d'un autre royaume que le sien, d'une autre vérité que la sienne

C'est justement ce à quoi nous sommes appelés : accepter de ne pas détenir la vérité, mais uniquement une vérité parmi d'autres, et surtout accepter une tout autre vérité nous dépassant totalement, celle de Dieu.

À la suite de Jésus-Christ, nous pouvons rendre témoignage à la vérité de Dieu, toujours en gardant à l'esprit que celle-ci surpasse toutes nos vérités humaines, et en nous abstenant de vouloir l'enfermer dans nos schémas de pensées. Cette vérité de Dieu ne peut que se vivre dans notre foi en Jésus-Christ, qui reste « le chemin, la vérité, et la vie »(Jean 14, 6). C'est ce que nous attestons à chaque fois que nous concluons nos louanges, prières, lectures et méditations, en prononçant un petit mot hébreu, qui signifie « en vérité » et qui exprime à lui seul la pleine vérité de Dieu. C'est le mot…

Amen.
Christophe