Évangile selon Matthieu 18, 23-35


Le serviteur impitoyable (Rembrandt van Rijn, 1655)
Le serviteur impitoyable

(Rembrandt van Rijn, 1655)
Culte du dimanche 14 septembre 2014
A l'Eglise Protestante Unie de
Montparnasse-Plaisance (75)

Lire le texte biblique :
Matthieu 18, 23-35 (Segond 21)
Matthieu 18, 23-35 (Segond 1910 & Grec)

Prédication :

Dans ce passage de l'Évangile selon Matthieu, Jésus raconte à ses disciples une parabole sur le royaume des cieux, en réponse à la question de Pierre : « Combien de fois mon frère péchera-t-il contre moi et lui pardonnerai-je? »(verset 21). Cette question reste complètement d'actualité, pour chacun d'entre nous, dans notre vie quotidienne : quel pardon puis-je accorder à celui qui m'a offensé? Essayons donc d'apporter des éléments de réponse à cette difficile question, à travers cette parabole que Jésus nous adresse aussi.


Au premier abord, Jésus ne semble pas parler d'offense ou de péché, de grâce ou de pardon, mais plutôt de dette et de remise de dette. Tout en s'adaptant aux situations des personnes de son époque très marquée par les rapports de maîtres et de serviteurs, Jésus s'attache à expliquer les relations des humains avec Dieu et les relations entre les humains. Et dans chacune de ces relations, il introduit la problématique des dettes que nous contractons tout au long de notre existence :
- les dettes que nous avons envers Dieu,
- les dettes que nous avons envers nos prochains,
- les dettes que nos prochains ont envers nous.

Dans sa parabole, Jésus raconte l'histoire de deux dettes : d'abord, celle de la grande dette que doit un serviteur à son roi, puis celle de la petite dette que doit un autre serviteur au premier serviteur. Ce qui est frappant dans la première dette, c'est son montant énorme, exorbitant, qui est plutôt à l'échelle de la dette d'un état que de celle d'un particulier. Il est d'ailleurs difficile de concevoir qu'un simple serviteur puisse contracter une dette aussi gigantesque auprès de son roi. Par cet endettement démesuré, Jésus veut surtout illustrer le caractère non quantifiable de la dette que chaque humain a envers Dieu. Cette dette correspond à la grande distance qui nous sépare de Dieu, cette dette est notre péché.

Dans la parabole, le serviteur appelle à la patience du roi et ose faire la promesse déraisonnable de rembourser sa dette intégralement. Face à cette promesse impossible à réaliser, le roi est ému de compassion, littéralement en grec « remué dans ses intestins ». Oui, face à nos détresses humaines, Dieu est ému de compassion. Dans sa miséricorde infinie, il nous remet notre énorme dette, il l'efface de notre ardoise personnelle, il ne la comptabilise plus. Ainsi, il nous accorde sa grâce, il nous donne son pardon, il le fait gratuitement et sans condition. Il le fait sans regarder ni nos qualités, ni nos défauts, encore moins nos soi-disant mérites, mais simplement la valeur de notre personne à ses yeux. Son amour est certes gratuit, mais son prix est inestimable, à l'image de la dette que nous avons envers Dieu. Par sa grâce seule, Dieu rend sa liberté à l'humain. Mais cette liberté n'est pas sans conséquence, comme l'apprend ce serviteur libéré de sa dette par son roi miséricordieux.

Hélas, il a un comportement brutal envers son compagnon serviteur, qu'il saisit et étrangle pour obtenir par la contrainte, le remboursement de la petite dette que ce dernier lui doit. Le roi et maître est irrité par son comportement, il lui reproche d'être un « serviteur mauvais, méchant » (verset 32), car il n'a pas eu pitié de son compagnon, comme le roi a eu pitié de lui. En effet, le roi a remis sa dette au premier serviteur, il lui a rendu sa liberté, gratuitement et sans condition. Mais le serviteur ainsi libéré a le devoir de prendre sa part de responsabilité dans la société dans laquelle il vit, il doit faire preuve de fidélité au roi, il doit être témoin de la parole de son roi. Tel est le véritable enjeu de cette parabole.

Comme pour le premier serviteur, Dieu nous rend libre, mais cette liberté implique notre part de responsabilité dans notre société humaine, elle implique notre fidélité à Dieu par notre foi en Jésus-Christ, elle implique notre témoignage de la parole de Dieu par notre étude des écritures. Ainsi, à travers cette parabole, Jésus le Christ nous rappelle que nous avons des dettes envers Dieu, mais nous donne l'assurance que nous sommes libérés de ces dettes par la seule grâce de Dieu, son pardon gratuit, son amour inconditionnel.

Jésus nous rappelle aussi que nous avons des dettes envers notre prochain, qu'il faut les prendre en compte dans notre relation avec lui, et qu'il nous faut mesurer et honorer nos dettes.

Jésus nous rappelle enfin que nous sommes responsables de notre prochain surtout lorsqu'il a des dettes envers nous.

Dans notre existence, nous devons garder à l'esprit que nous sommes peut-être maîtres mais surtout serviteurs, graciés mais endettés, sauvés mais pécheurs, offensés mais offenseurs, receveurs du pardon et aussi donneurs de pardon, libres et aussi responsables. A chacun de nous de discerner sincèrement l'ensemble de ses propres créances et de ses propre dettes, afin de mieux vivre sa relation à Dieu et sa relation aux autres.

Amen.
Christophe