Évangile selon Matthieu 2, 1-12


Guérison de dix lépreux
Ils viendront tous de Saba

(1963, Salvador DALI)
Culte du dimanche 13 octobre 2013
A l'Eglise Protestante Unie de Montparnasse-Plaisance (75)

Lire le texte biblique :
Matthieu 2, 1-12 (Segond 21)
Matthieu 2, 1-12 (Segond 1910 & Grec)

Prédication :

Ce passage de l'Évangile selon Matthieu n'est pas une parabole, mais le récit d'hommes non juifs donc païens, qui vont à la rencontre des juifs et de leur nouveau roi qui vient de naître.


Ce récit de la « visite des mages » est très connu, il est devenu au fil du temps une véritable histoire populaire, et fait même l'objet d'une fête elle aussi populaire, notamment grâce à sa « galette des rois » ! Certains d'entre nous savent même beaucoup de choses sur ces célèbres mages d'orient, je me permets donc de vous poser quelques questions : Ces mages sont-ils rois ? (ils sont représentés portant de beaux habits et une couronne) - Combien sont-ils ? (3 venus d'orient qui offrent les 3 présents à Jésus, plus un 4ème venu du nord qui n'a jamais atteint Bethléem et qui offre les cadeaux aux enfants) - Comment se nomment-ils ? (Melchior, Balthazar, Gaspard, le 4ème étant le Père Noël) - Quelle est la couleur de leur peau ? (blanc, rouge, noir, le 4ème coca-cola)

Tous ces gentils détails font partie d'une tradition populaire qui, vous l'avez noté, s'écarte fortement du texte biblique original. En effet, le récit des mages que nous avons lu dans la Bible, est présent uniquement dans l'Évangile selon Matthieu, et ne donne que peu de renseignements sur ces énigmatiques mages d'orient.

Il ne fait aucune mention de leur nombre (ils sont plusieurs, et pas forcément 3 comme le nombre de leurs présents), aucune mention de leur rang social ou religieux (le texte ne dit pas qu'ils sont rois, mais littéralement juste des « mages », le mot grec biblique « mavgoß » signifie à la fois « mage » et « magicien »), aucune mention de leurs noms, ni de leur pays d'origine, ni de leur race, ni de leur couleur.

Par conséquent, faisons bien attention à ne pas faire l'amalgame entre les deux histoires, la populaire et la biblique, oublions donc la petite histoire des rois mages, pour mieux nous recentrer sur le récit dans la Bible. Suivons ces mages qui se mettent en recherche de quelqu'un qu'ils ne connaissent pas, qui entreprennent une quête existentielle qu'ils résument eux-mêmes parfaitement en posant la question : « où est le roi des Juifs qui vient de naître ? ».

Apparemment, ces mages d'orient savent bien observer les astres dans le ciel, et y interpréter les signes avant-coureurs d’événements qui se produiront sur terre et au sein de l'humanité. Et dans le cas présent, les mages ont aperçu une mystérieuse étoile en Orient, dans la direction où le soleil se lève. Pour eux, l'apparition de cette étoile revêt un caractère extraordinaire : bien qu'ils ne soient pas juifs, ils l'ont interprété comme un signe de la venue du roi des Juifs sur terre, de la venue du Messie au sein de l'humanité. Plus qu'un signe, cette apparition est pour eux une véritable révélation divine.

C'est pourquoi ils se sont mis en route et ont entrepris un voyage vers la capitale du pays des juifs, Jérusalem, où ils pensaient pouvoir trouver ce nouveau roi, ce Messie. Paradoxalement, dans cette ville où se trouve le Temple du Dieu des juifs, la Maison de l'Éternel, les habitants ignorent tout de l'heureux événement, même le roi Hérode et les autorités religieuses. Les mages, bien que païens, semblent bien les seuls à être au courant. Ils en connaissent le moment, mais pas le lieu. Car ces mages ont beau savoir observer les étoiles dans le ciel, ils ne connaissent pas les Saintes Écritures et ne peuvent donc pas savoir « où est le roi des Juifs qui vient de naître ».

Le roi Hérode ne le sait pas non plus. Mais les grands prêtes et les scribes, eux, consultent les Saintes Écritures et trouvent la réponse dans le livre du prophète Michée (Michée 5, 1 à 3) : c'est dans la petite ville de Bethléem en Judée, et non dans la grande capitale Jérusalem.

D'un côté, les mages païens qui lisent dans les étoiles du ciel, connaissent le moment. De l'autre côté, les religieux juifs qui lisent dans les Écritures, connaissent le lieu. Curieusement, c'est le roi Hérode qui fait le lien entre les deux groupes. Il envoie à Bethléem les mages pour identifier le roi des juifs qui vient de naître. Pourquoi n'envoie-t-il pas plutôt les religieux ? Parce que cela reviendrait de fait à reconnaître ce nouveau roi, au détriment de l'autorité religieuse des grands prêtres et de l'autorité politique d'Hérode.

Ici, les préoccupations humaines tant politiques que religieuses, s'avèrent bien éloignées du projet qu'a Dieu pour les humains ! D'ailleurs les attitudes respectives des mages et des religieux ne peuvent nous laisser indifférents. Elles restent bien d'actualité dans le monde religieux et la société d'aujourd'hui, et nous interpellent dans notre propre vie.

À l'image de ces fervents mages d'orient, sommes-nous prêts à nous laisser interpeller par Dieu, à répondre à ses appels, à discerner les signes de sa présence, à nous lever pour aller vers l'inconnu, à nous mettre en marche, à nous mettre en quête de Dieu?
Ou à l'image de ces grands prêtes et scribes, préférons-nous rester confortablement assis sur nos acquis, nos héritages familiaux, nos traditions religieuses, nos connaissances et nos convictions ?

Par immobilisme ou repli identitaire, nous risquons de devenir hermétiques à toute nouveauté venue d'ailleurs, réticents à tout ce qui pourrait bousculer nos habitudes, indifférents à tout ce qui pourrait changer notre vie. En somme, nous risquons d'être fermés à l'inattendu de Dieu.

Au contraire, les mages ne sont pas restés assis. A travers leur quête de ce roi inconnu d'un peuple dont ils ne font pas partie, ils se sont non seulement déplacés pour aller à la recherche de Dieu, mais ils se sont surtout laissés déplacer par Dieu. Ils ont été bouleversés par la première apparition de l'étoile en orient, ils ont éprouvé une grande joie à la seconde apparition de celle-ci au-dessus de Bethléem. Ils sont allés jusqu'à se prosterner devant ce nouveau-né placé dans une mangeoire à Bethléem, bien loin de la condition attendue d'un roi dans la capitale Jérusalem.

A notre tour, pour cette nouvelle année, suivons l'exemple de ces mages d'orient : ne nous replions pas sur nos acquis identitaires, mais remettons-nous en marche et laissons-nous déplacer par Dieu, soyons émerveillés et joyeux à la vue de ses signes, laissons-nous bouleverser par son inattendu et changer par sa présence.

Amen.
Christophe