Évangile selon Luc 17, 11-19


Guérison de dix lépreux
Guérison de dix lépreux

(1886-1894, James TISSOT)
Culte du dimanche 13 octobre 2013
A l'Eglise Protestante Unie de Montparnasse-Plaisance (75)

Lire le texte biblique :
Luc 17, 11-19 (Segond 21)
Luc 17, 11-19 (Segond 1910 & Grec)

Prédication :

Ce passage de l'Évangile selon Luc n'est pas une parabole, mais le récit d'une rencontre avec Jésus. Sur le chemin vers Jérusalem, Jésus est interpellé par dix hommes atteints de la lèpre. Il faut préciser qu'il n'est pas certain que la lèpre citée dans la Bible corresponde exactement à la maladie de la lèpre existante à notre époque. En effet, le terme « lèpre », « tsarah » en hébreu dans l'Ancien Testament et « lepra » en grec dans le Nouveau Testament, désigne plus largement toute maladie de peau ou plaie apparente, quel qu’en soit la gravité. Le livre du Lévitique y consacre d'ailleurs de longs passages dans ses chapitres 13 et 14 (La lèpre, La lèpre des vêtements, La purification de la lèpre, La lèpre des maisons).

A l'époque de Jésus, avoir la lèpre avait de lourdes conséquences pour celui qui en était affecté. Le lépreux était considéré comme impur à la fois sur le plan humain et le plan religieux. Famille, communauté, église, tout lui était fermé. Il se trouvait complètement exclu de la vie sociale et religieuse. La Loi hébraïque lui interdisait de s'approcher de quiconque. Il ne pouvait rien faire. La lèpre était certes une maladie impure et contagieuse, mais pire encore, elle était perçue comme le signe d'une malédiction divine sur l'homme, le signe d'un péché commis par lui. Le lépreux subissait donc une triple peine : la maladie, l'exclusion, la malédiction.

Dans le présent récit, les dix lépreux se tiennent à distance de Jésus et lui crient : « Jésus, maître, aie pitié de nous » (verset 13). En le nommant, les dix lépreux semblent avoir attendu parlé de Jésus et de actions. Et ils l’appellent « maître » : en fait, le mot utilisé ici dans le texte grec signifie uniquement « responsable » et non pas enseignant, savant, prêtre, rabbi ou seigneur. Les dix lépreux discernent donc Jésus seulement comme un responsable dans la société. Mais leur cri « aie pitié de nous » est celui du désespoir et du dernier recours ; c'est le cri à la fois du malade, de l'exclu et du maudit.

Jésus réagit curieusement à ce cri de désespoir. Il ne bouge pas, il ne s'approche pas d'eux, il ne leur tend pas la main, il ne les touche pas, il ne pratique pas de geste d'imposition des mains. Il leur répond littéralement dans le texte « allez vous montrer vous-mêmes aux prêtres » (verset 14). Les dix lépreux obéissent à cette parole surprenante de Jésus, ils se mettent en route.

Et c'est sur le chemin qu'ils se trouvent guéris et purifiés. Cette fois-ci, la guérison s'accomplit à distance de Jésus, sans aucun contact avec lui. Ainsi, la façon dont s'est réalisée cette guérison montre que la parole de Jésus est non seulement une parole d'envoi sous le regard de Dieu, mais aussi une parole agissante sur ceux qui place leur confiance en Dieu.

Chose imprévue, l'un des dix lépreux, guéri et purifié, désobéit et ne suit pas l'ordre de Jésus. Il ne va pas immédiatement se montrer aux prêtres pour faire reconnaître sa guérison et faire attester sa pureté retrouvée. Au contraire, ce samaritain fait demi-tour en glorifiant Dieu, en lui rendant gloire (« doxazo » en grec, qui a donné le mot doxologie). Il retourne vers Jésus pour le remercier, lui rendre grâce (« eucharisteo » en grec, qui a donné le mot eucharistie).

Jésus s'indigne que les neuf autres lépreux, qui ont eux-aussi été guéris et purifiés, n'aient pas fait de même. En effet, le demi-tour accompli par ce samaritain guéri et purifié est primordial, car c'est le signe d'un retournement qui s'opère en lui et d'une conversion dans sa croyance religieuse. Cette conversion est même le point central de ce récit. Certes, la guérison est importante car c'est l'accomplissement d'un miracle et la manifestation visible d'un signe divin. Mais aux yeux de Jésus, la conversion est plus importante encore, elle constitue le vrai miracle, car elle touche à l'intériorité de la personne et à sa relation à Dieu.

En effet, cette rencontre avec Jésus a bouleversé la vie de ce samaritain :
- Il était malade, Jésus lui a adressé une parole de guérison.
- Il était exclu, Jésus lui a adressé une parole d'envoi.
- Il était maudit, Jésus lui a adressé une parole de libération.
- Il était imprégné du péché, Jésus lui a adressé une parole de salut.

A présent, ce samaritain n'est plus malade, ni exclu, ni maudit, ni pécheur. Il est guéri, il peut profiter de sa famille et de ses amis, il peut de nouveau vivre sa foi dans une communauté, il est libre et peut retrouver sa place dans la société, et il est sauvé au regard de Dieu. C'est ce que résume parfaitement Jésus à travers son ultime parole :

« Lève-toi ; va ; ta foi t'a sauvé » (verset 19)

Cette parole de vie et d'espérance s'adresse aussi à nous, même si heureusement nous ne sommes pas atteints de la lèpre. Aujourd'hui, pas besoin de lèpre, les causes d'exclusion ne manquent pas dans notre société. Il y a toujours les exclusions sur la maladie, l'origine, la naissance, le sexe, le nom... plus les nouvelles exclusions créées par notre société de consommation et de technologie... sans oublier les exclusions héritées de notre histoire comme celles liées à la croyance et à la religion.

Alors que notre société valorise la perfection et le zéro défaut, nous vivons dans notre quotidien l'accumulation de nos exclusions, qu'elles soient maladies ou défauts, fautes ou manquements, différences et particularités, problèmes ou soucis... C'est pour cela que chaque jour, Jésus-Christ nous adresse cette même parole de guérison, d'envoi, de libération, de salut:

« Lève-toi ; va ; ta foi t'a sauvé » (verset 19).

Nous la recevons comme une véritable parole de vie et d'espérance, qui nous accompagne à tout moment de notre existence :
- Lève-toi, car tu es guéri !
- Va et avances dans ta vie, car tu es libre !
- Sois sauvé, car tu as la foi !

Amen.
Christophe