Le diable tentant Jésus : « Si tu es le Fils de Dieu, ordonne que ces pierres deviennent des pains » (1635, REMBRANDT Harmenszoon van Rijn) |
Culte du dimanche 13 mars 2011
Temple Réformé de Batignolles (75)
Lire le texte biblique : Matthieu 4, 1-11
Prédication :
Le récit de la « tentation de Jésus » dans le désert, est présent dans les trois Évangiles dits synoptiques, selon Matthieu, Marc, et Luc. Point important, l'épisode de la « tentation de Jésus » suit celui de son « baptême ». Et dans les Évangiles selon Matthieu et Marc, ces deux récits n'en font qu'un (Matthieu 3, 13 à 4, 11, Marc 1, 9 à 13). Ils ont un seul et même thème : la vocation et la divinité de Jésus. Dans la première partie de ce récit, Dieu annonce que Jésus est le Messie: « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui j’ai mis toute mon affection » (Matthieu 3, 17). Dans la seconde partie du récit, Jésus est mis à l'épreuve, et doit confirmer qu'il est vraiment le « Fils de Dieu ». Voyons ce que Jésus a dû éprouver.
Curieusement, Jésus est mis en quarantaine : il est placé dans ce désert hostile, loin de toute vie humaine, dans ce lieu d'isolement, de solitude, de soif et de faim. Il est mis à l'écart pour « être tenté », c'est-à-dire pour être mis à l'épreuve, pour être éprouvé, dans sa foi, sa vocation, sa divinité. Et c'est le diable, tentateur, accusateur, adversaire, qui va soumettre Jésus à trois épreuves, pour le faire douter de sa foi en Dieu. A première vue, il faut reconnaître que ces tentations peuvent être pour nous assez énigmatiques, a priori très éloignées de nos multiples tentations modernes au sein de la société d'aujourd'hui.
Première tentation
Dans ce désert, Jésus a jeûné, il s'est abstenu de manger, pendant quarante jours et nuits. Comme tout homme, il a faim. Et la faim est une souffrance, une réelle fragilité de sa condition humaine. Dans cette situation douloureuse, la tentation pour Jésus serait de vouloir se délivrer de ce manque naturel et vital, en usant de ces propres pouvoirs divins, pour créer par lui-même et pour lui-même, la nourriture dont son corps a besoin.
S'il avait transformé ces pierres en pains, Jésus aurait mis sa nature divine au service de sa nature humaine, et se serait donc affranchi de toutes les contraintes de sa condition humaine. Par cette autonomie, il se serait coupé à la fois des hommes et de Dieu. La tentation pour Jésus est de s'affranchir lui-même de sa relation à Dieu.
Pour nous, la tentation est de vouloir satisfaire par nous-mêmes, tous nos appétits, nos soifs, nos envies, nos avidités, nos ambitions, nos désirs, nos besoins, en usant et en abusant de nos propres pouvoirs. Tous ces besoins sont certes tous très humains, mais souvent très matériels, voire matérialistes. La tentation pour nous est d'utiliser et de mobiliser nos propres capacités uniquement dans le but d'en être le seul bénéficiaire. La tentation pour nous est de vivre uniquement par nous-même et pour nous-même. En agissant ainsi, nous risquons de nous renfermer sur nous-mêmes, de nous éloigner des autres, de nous affranchir de notre relation à Dieu. C'est pour cela que Jésus nous rappelle que « L’homme ne vivra pas de pain seulement, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu » (Matthieu 4, 4 / Deutéronome 8, 3). Par cette citation, Jésus nous appelle à ne pas remplir notre vie uniquement de choses matérielles, mais aussi à nourrir notre vie de la Parole de Dieu, de vivre dans la confiance en Dieu et dans la foi en Jésus-Christ.
Deuxième tentation
A présent, Jésus est placé sur le Temple de Jérusalem, du haut duquel le diable tentateur veut le faire tomber. La tentation pour Jésus serait de se jeter dans le vide, afin de forcer Dieu à intervenir pour le sauver. Ce serait pour lui une chute physique, mais surtout une occasion de chute vis-à-vis de Dieu. Car commettre une action aussi inconsidérée et irresponsable, c'est mettre à l'épreuve Dieu lui-même, et mettre en doute la relation de confiance établie avec lui.
En effet, par sa volonté, Dieu nous offre un projet de vie. Il donne à celui qui croit en Lui, un espace de vie et de liberté, dans lequel le croyant peut s'épanouir. Mais cette liberté que nous, chrétiens, avons devant Dieu, ne signifie pas que nous pouvons faire tout et n'importe quoi, au gré de nos envies. C'est ce que Jésus nous rappelle en disant : « Tu ne tenteras pas le Seigneur, ton Dieu » (Matthieu 4, 7 / Deutéronome 6, 16). Nous sommes certes libres devant Dieu, mais nous sommes aussi responsables devant Dieu et devant tous les êtres de sa Création.
Troisième tentation
A présent, Jésus est placé sur une haute montagne, du sommet de laquelle le diable tentateur lui présente le monde entier qui est à portée de main. La tentation pour Jésus serait de vouloir dominer le monde et de régner sur lui, de l'asservir au lieu de le servir. Pour cela, il lui suffirait de se prosterner et d'adorer ce faux Dieu qu'est le diable, le satan.
Ainsi, la tentation pour nous est de vouloir toujours nous placer au-dessus des autres, voir même les dominer. La tentation pour nous est de vouloir toujours monter plus haut sur la montagne de la réussite, en faisant notamment des concessions à la hauteur de nos ambitions et de nos désirs de grandeur. Ici, l'ultime concession, faite par rapport à Dieu, consiste à adorer de faux Dieux, qui d'ailleurs ne manquent pas dans notre société moderne. C'est pour cela que Jésus nous dit : « Tu adoreras le Seigneur, ton Dieu, et tu le serviras lui seul. » (Matthieu 4, 10 / Deutéronome 6, 13).
Quatrième et dernière tentation
Ah! C'est étonnant, pourquoi une quatrième tentation? Car le texte biblique n'en raconte bien que trois. En fait, on pourrait y lire une quatrième en filigrane, qui servirait d'ailleurs de support aux trois autres. Intéressons-nous à la façon de procéder de ce diable tentateur. Pour faire douter Jésus qu'il est le « Fils de Dieu », le diable accusateur justifie ses trois épreuves en citant des passages de l'Écriture.
Telle est la grande tentation qui nous guette, nous lecteurs et auditeurs de la Bible. En effet, la tentation pour nous est de vouloir justifier nos paroles et nos actes en s'appuyant sur des citations bibliques. En sortant ainsi des phrases de leur contexte biblique, nous risquons de déformer la Parole de Dieu, et peut-être de lui attribuer un sens autre que celui donné par le texte. La tentation pour nous serait de vouloir se servir de la Parole de Dieu, au lieu de se mettre à son service.
Amen.
Temple Réformé de Batignolles (75)
Lire le texte biblique : Matthieu 4, 1-11
Prédication :
Le récit de la « tentation de Jésus » dans le désert, est présent dans les trois Évangiles dits synoptiques, selon Matthieu, Marc, et Luc. Point important, l'épisode de la « tentation de Jésus » suit celui de son « baptême ». Et dans les Évangiles selon Matthieu et Marc, ces deux récits n'en font qu'un (Matthieu 3, 13 à 4, 11, Marc 1, 9 à 13). Ils ont un seul et même thème : la vocation et la divinité de Jésus. Dans la première partie de ce récit, Dieu annonce que Jésus est le Messie: « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui j’ai mis toute mon affection » (Matthieu 3, 17). Dans la seconde partie du récit, Jésus est mis à l'épreuve, et doit confirmer qu'il est vraiment le « Fils de Dieu ». Voyons ce que Jésus a dû éprouver.
Curieusement, Jésus est mis en quarantaine : il est placé dans ce désert hostile, loin de toute vie humaine, dans ce lieu d'isolement, de solitude, de soif et de faim. Il est mis à l'écart pour « être tenté », c'est-à-dire pour être mis à l'épreuve, pour être éprouvé, dans sa foi, sa vocation, sa divinité. Et c'est le diable, tentateur, accusateur, adversaire, qui va soumettre Jésus à trois épreuves, pour le faire douter de sa foi en Dieu. A première vue, il faut reconnaître que ces tentations peuvent être pour nous assez énigmatiques, a priori très éloignées de nos multiples tentations modernes au sein de la société d'aujourd'hui.
Première tentation
Dans ce désert, Jésus a jeûné, il s'est abstenu de manger, pendant quarante jours et nuits. Comme tout homme, il a faim. Et la faim est une souffrance, une réelle fragilité de sa condition humaine. Dans cette situation douloureuse, la tentation pour Jésus serait de vouloir se délivrer de ce manque naturel et vital, en usant de ces propres pouvoirs divins, pour créer par lui-même et pour lui-même, la nourriture dont son corps a besoin.
S'il avait transformé ces pierres en pains, Jésus aurait mis sa nature divine au service de sa nature humaine, et se serait donc affranchi de toutes les contraintes de sa condition humaine. Par cette autonomie, il se serait coupé à la fois des hommes et de Dieu. La tentation pour Jésus est de s'affranchir lui-même de sa relation à Dieu.
Pour nous, la tentation est de vouloir satisfaire par nous-mêmes, tous nos appétits, nos soifs, nos envies, nos avidités, nos ambitions, nos désirs, nos besoins, en usant et en abusant de nos propres pouvoirs. Tous ces besoins sont certes tous très humains, mais souvent très matériels, voire matérialistes. La tentation pour nous est d'utiliser et de mobiliser nos propres capacités uniquement dans le but d'en être le seul bénéficiaire. La tentation pour nous est de vivre uniquement par nous-même et pour nous-même. En agissant ainsi, nous risquons de nous renfermer sur nous-mêmes, de nous éloigner des autres, de nous affranchir de notre relation à Dieu. C'est pour cela que Jésus nous rappelle que « L’homme ne vivra pas de pain seulement, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu » (Matthieu 4, 4 / Deutéronome 8, 3). Par cette citation, Jésus nous appelle à ne pas remplir notre vie uniquement de choses matérielles, mais aussi à nourrir notre vie de la Parole de Dieu, de vivre dans la confiance en Dieu et dans la foi en Jésus-Christ.
Deuxième tentation
A présent, Jésus est placé sur le Temple de Jérusalem, du haut duquel le diable tentateur veut le faire tomber. La tentation pour Jésus serait de se jeter dans le vide, afin de forcer Dieu à intervenir pour le sauver. Ce serait pour lui une chute physique, mais surtout une occasion de chute vis-à-vis de Dieu. Car commettre une action aussi inconsidérée et irresponsable, c'est mettre à l'épreuve Dieu lui-même, et mettre en doute la relation de confiance établie avec lui.
En effet, par sa volonté, Dieu nous offre un projet de vie. Il donne à celui qui croit en Lui, un espace de vie et de liberté, dans lequel le croyant peut s'épanouir. Mais cette liberté que nous, chrétiens, avons devant Dieu, ne signifie pas que nous pouvons faire tout et n'importe quoi, au gré de nos envies. C'est ce que Jésus nous rappelle en disant : « Tu ne tenteras pas le Seigneur, ton Dieu » (Matthieu 4, 7 / Deutéronome 6, 16). Nous sommes certes libres devant Dieu, mais nous sommes aussi responsables devant Dieu et devant tous les êtres de sa Création.
Troisième tentation
A présent, Jésus est placé sur une haute montagne, du sommet de laquelle le diable tentateur lui présente le monde entier qui est à portée de main. La tentation pour Jésus serait de vouloir dominer le monde et de régner sur lui, de l'asservir au lieu de le servir. Pour cela, il lui suffirait de se prosterner et d'adorer ce faux Dieu qu'est le diable, le satan.
Ainsi, la tentation pour nous est de vouloir toujours nous placer au-dessus des autres, voir même les dominer. La tentation pour nous est de vouloir toujours monter plus haut sur la montagne de la réussite, en faisant notamment des concessions à la hauteur de nos ambitions et de nos désirs de grandeur. Ici, l'ultime concession, faite par rapport à Dieu, consiste à adorer de faux Dieux, qui d'ailleurs ne manquent pas dans notre société moderne. C'est pour cela que Jésus nous dit : « Tu adoreras le Seigneur, ton Dieu, et tu le serviras lui seul. » (Matthieu 4, 10 / Deutéronome 6, 13).
Quatrième et dernière tentation
Ah! C'est étonnant, pourquoi une quatrième tentation? Car le texte biblique n'en raconte bien que trois. En fait, on pourrait y lire une quatrième en filigrane, qui servirait d'ailleurs de support aux trois autres. Intéressons-nous à la façon de procéder de ce diable tentateur. Pour faire douter Jésus qu'il est le « Fils de Dieu », le diable accusateur justifie ses trois épreuves en citant des passages de l'Écriture.
Telle est la grande tentation qui nous guette, nous lecteurs et auditeurs de la Bible. En effet, la tentation pour nous est de vouloir justifier nos paroles et nos actes en s'appuyant sur des citations bibliques. En sortant ainsi des phrases de leur contexte biblique, nous risquons de déformer la Parole de Dieu, et peut-être de lui attribuer un sens autre que celui donné par le texte. La tentation pour nous serait de vouloir se servir de la Parole de Dieu, au lieu de se mettre à son service.
Amen.
Christophe