Évangile selon Matthieu 5, 17-48


Jésus prêchant sur la montagne

(Gustave DORÉ)
Culte du dimanche 13 février 2011
Temple Réformé de Vélizy (78)

Lire le texte biblique : Matthieu 5, 17-48

Prédication :

Lorsque l'on évoque le récit du « sermon sur la montagne », nous pensons spontanément aux premiers enseignements de Jésus qui le composent, comme « les béatitudes », « le sel de la terre et la lumière du monde ». En fait, le « sermon sur la montagne » s'étend sur trois chapitres entiers de l'Évangile selon Matthieu (5, 6, 7), et comporte environ vingt-cinq enseignements de Jésus, dont la prière du « Notre Père »! Aujourd'hui, nous nous attarderons simplement sur l'enseignement de Jésus au sujet « de la Loi et des Prophètes ».

Par cette expression, Jésus désigne les principaux livres qui sont dans l'Ancien Testament: d'une part, la Loi ou « Thora » écrite dans les cinq premiers livres, d'autre part, tous les livres prophétiques. Mais attention, dans la Bible, le mot « Loi » n'a pas la signification que nous utilisons couramment : cette Loi n'est pas l'ensemble des règles juridiques en vigueur dans notre société humaine, elle ne constitue pas une législation.

Dans l'Ancien Testament, la Loi est un don de Dieu, un don qu'il a lui-même fait aux hommes. Cette Loi divine est parfaitement résumée au sein des « Dix Commandements » appelés « Décalogue »: les cinq premiers décrivent les relations de l'homme avec Dieu, les cinq autres décrivent les relations de l'homme avec son prochain. A travers le don de la Loi, Dieu exprime sa Volonté, et aussi son projet de vie et de liberté qu'il a pour les hommes.

Ainsi, il est difficile de croire que Jésus puisse être contre « la Loi ou les Prophètes ». D'ailleurs, dans le passage que nous venons de lire aujourd'hui, Jésus confirme lui-même qu'il ne s'oppose pas à la Loi ou aux Prophètes.

Au contraire, il déclare être venu pour les accomplir, c'est-à-dire pour les réaliser pleinement, les mener jusqu'au bout, jusqu'à leur sommet, jusqu'à leur parfait achèvement. Pour cela, Jésus entreprend une relecture des Écritures : il propose une nouvelle interprétation des commandements de Dieu, une interprétation perçue comme dérangeante, dans la mesure où il ne respecte pas la façon habituelle et officielle de les enseigner et de les mettre en pratique.

- La Loi dit de « ne pas commettre de meurtre », mais Jésus, lui, dit qu'il faut d'abord ne pas se mettre en colère contre son prochain, ni le mépriser. Jésus dit aussi qu'il faut d'abord aller se réconcilier avec celui que l'on a offensé, et aller se mettre d'accord avec son adversaire.

- La Loi dit de « ne pas commettre d'adultère », mais Jésus, lui, dit qu'il faut d'abord ne pas convoiter.

- La Loi dit de « ne pas violer son serment », mais Jésus, lui, dit qu'il faut d'abord ne pas jurer.

Devant chaque interdiction de la Loi, Jésus rajoute une exigence encore plus forte que l'interdiction elle-même, et met en question la responsabilité de chacun. C'est pour ces interprétations novatrices que Jésus s'est retrouvé en opposition frontale avec les institutions religieuses de son époque:

- D'un côté, Jésus s'oppose aux scribes, ces spécialistes de la religion, qui lisent, interprètent et enseignent les Écritures. Ils ont acquis une connaissance très pointue de la Loi de Dieu. Jésus leur reproche de vivre confortablement assis sur leur épais savoir religieux et de ne pas se préoccuper de le mettre en pratique. Par leur comportement, ils ont enfermés la Loi de Dieu dans leur savoir.

- De l'autre côté, Jésus s'oppose aux pharisiens, ces religieux qui obéissent strictement à la Loi de Dieu et suivent scrupuleusement ses 613 commandements. Jésus leur reproche de se satisfaire d'une mise en pratique basée sur des rituels. Par leur comportement, ils ont enfermés la Loi de Dieu dans leurs rites.

Ainsi, Jésus reproche aux scribes et aux pharisiens d'enfermer la Loi de Dieu, voir Dieu lui-même, dans leurs savoirs et dans leurs rituels. Par leur lecture, leur interprétation, leur enseignement et leur pratique, ils ont déformé la Loi de Dieu et l'ont détourné de son sens premier: établir une relation avec Dieu et avec notre prochain.

Hélas, ce débat qui a opposé Jésus avec les scribes et les pharisiens, a toujours subsisté dans l'histoire du Christianisme. Le passé et le présent nous montrent que les Églises Chrétiennes ne sont jamais à l'abri de se comporter comme ces scribes ou ces pharisiens. En effet, elles ont tendance à enfermer Dieu dans leurs savoirs, à enfermer Dieu dans leurs pratiques qu'elles ont ritualisées. A tel point qu'elles rendent Dieu moins accessible à l'ensemble des fidèles! Avec la conséquence paradoxale de voir des personnes s'éloigner des Églises et donc de Dieu...

Évidemment, cette situation est en contradiction avec le message de Jésus dans son Évangile. Par sa lecture et son interprétation des Écritures, Jésus nous incite à ne pas utiliser nos savoirs et nos pratiques religieuses dans l'unique intention de nous rendre, par nous-mêmes, justes ou saints aux yeux de Dieu. Au contraire, Jésus nous appelle à nous convertir pleinement et sincèrement, à nous engager totalement à sa suite, à suivre un véritable chemin de foi, tout en restant humbles dans notre pratique religieuse.

Finalement, n'oublions pas une chose essentielle: outre le don de sa Loi, Dieu nous fait aussi don de sa Grâce, toujours première. Ainsi, nous ne devons pas vivre la Loi de Dieu dans la perspective d'une récompense ou d'une punition, mais dans l'espérance de son amour envers nous, par notre foi en Jésus-Christ.

Amen.
Christophe